Le capitalisme familial: seul moyen de garder nos entreprises en France? Interview Cyrille Chevrillon

Le capitalisme familial: seul moyen de garder nos entreprises en France? Interview Cyrille Chevrillon

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Vous avez investi dans des sociétés aussi connues que Picard, Interflora ou Linagora. Pourtant, on connaît peu le Groupe Chevrillon. Que fait-il ?

Nous sommes une sorte de garage à entreprises qui crée et reprend des sociétés pour les développer. Nous gardons certaines très longtemps, comme Dupont Médical que nous avons conservé dix-huit ans, parfois moins. Nous aidons les managers à développer leur entreprise, la structurer, l’internationaliser et la préparer à affronter le siècle suivant.

Vous venez de publier un livre, Les 100.000 Familles (Grasset), qui défend le capitalisme familial. En a-t-il vraiment besoin ?

Il faut bien que nos entreprises appartiennent à quelqu’un, si l’on ne veut pas qu’elles se vendent à des groupes étrangers. En France, nous n’avons ni fonds de pension ni fonds souverain. Bpifrance a mille fois moins de ressources que le fonds souverain de Singapour. Le capitalisme familial est donc, selon moi, le seul moyen de conserver nos entreprises dans leurs régions.

Y a-t-il vraiment un risque de fuites vers l’étranger ?

Regardez ce qui s’est passé avec Norbert Dentressangle. Cette société exceptionnelle, employant 47.000 personnes, a été cédée aux Américains. Petit à petit, elle partira vers des lieux plus favorables au transport routier. Quand la décision d’implanter la direction, le centre de recherche et les usines appartient à un groupe étranger, il est peu probable qu’il choisisse la France.

Le problème de la transmission reste-t-il un écueil en France ?

Si l’on met des barrières très fortes, les entreprises ne sont pas transmises, mais vendues. Mitterrand a fait passer les droits de succession de 20 à 40%. Pendant son double septennat, il n’y a pratiquement pas eu de transmissions d’entreprises familiales. Le résultat, c’est que nous avons 4.600 entreprises familiales, les Allemands, 13.000.

Comment arrêter l’hémorragie ?

Il faut permettre aux familles de conserver le capital. Il est donc nécessaire de réformer l’ISF de manière que le détenteur d’actions risquées reçoive plus de dividendes qu’il ne paie d’impôts. 

Les fonds de private equity sont toutefois des acheteurs potentiels pour ces entreprises. Pourquoi ce métier a-t-il si mauvaise presse ?

Les Français n’aiment en général pas les gens qui gagnent beaucoup d’argent. Et il est vrai que les conditions financières – 2% de commission de gestion plus 20% d’intéressement sur la plus-value – sont très généreuses pour les équipes.

Vous qui avez créé une quarantaine de start-up, qu’est-ce qui vous intéresse aujourd’hui ?

Ce qui m’intéresse, c’est le grouillement de jeunes qui veulent se lancer. Dans mon cours à HEC il y a dix ans, personne ne voulait créer sa boîte. Maintenant, c’est plus de 50%. Et je n’ai qu’un seul conseil à donner dans ce cas : adossez-vous à quelqu’un qui a de l’expérience !    

Retrouvez l’intégralité de l’interview en vidéo ci-dessous:

Propos recueillis par Delphine Déchaux et Jean-Baptiste Diebold